Nous constatons depuis quelques décennies un grand progrès technologique basé sur l’utilisation de la lumière en tant que thérapie, proposant des méthodes innovantes et opérantes. Le terme « photomédecine » commence à émerger pour synthétiser une approche médicale interdisciplinaire basée sur la lumière avec des applications cliniques concrètes (dermatologie, cancérologie, dentisterie, chirurgie…) et des voies de recherches prometteuses (1). Les champs d’applications cliniques sont nombreux, en voici une liste non exhaustive : la photothérapie dynamique de certaines lésions cancéreuses et précancéreuses de la peau (kératoses actiniques) et autres maladies de la peau (acné vulgaris), PUVAthérapie ou photo chimiothérapie obtenue par irradiation de rayons UVA (psoriasis), cicatrisation des plaies (laser Diode, LED), photo-rajeunissement cutané par LASER (Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation) et lampe IPL (Intense Pulsed Light) et la photobiomodulation par exposition à des lasers de basse puissance LLLT (Low Level Laser Therapy) aussi appelés « lasers froids » ou à des lampes LEDs (Light Emitting Diodes) ou diodes électroluminescentes (1.5).
Objectif
Ces rayonnements sans effets délétères directs, qu’ils soient cohérents (LLLT) ou non (LED), sont-ils réellement efficaces ? Après un bref rappel théorique, nous décrirons à travers une revue de la littérature, les modes d’actions et l’efficacité de la photobiomodulation en tant que méthode de photothérapie non thermique et non invasive. Différentes applications cliniques seront listées et discutées.
La lumière
Dans le large spectre des rayonnements électromagnétiques, la lumière visible occupe une courte gamme de fréquences de propagation dont les longueurs d’onde (λ) se situent entre 400nm (bleu) et 800nm (rouge).
A contact du tissu biologique ou de l’organe éclairé, le rayonnement incident subit quatre types d’interactions :
- Réflexion
- Transmission
- Dispersion
- Absorption
En photobiologie, l’absorption est un préalable à toute réaction biologique. L’énergie véhiculée par le faisceau incident sera absorbée par des chromophores qui sont des molécules biologiques photo accepteurs (eau, mélanine, myoglobine, hémoglobine) en fonction de la longueur d’onde λ du rayonnement pour provoquer des effets biologiques différents.
Technologie des LEDs
La technologie des LEDs est basée sur des semi-conducteurs qui convertissent le courant électrique en un rayonnement lumineux incohérent à spectre étroit. Les longueurs d’ondes de la lumière ainsi obtenue vont de l’ultraviolet (UV) au proche infra-rouge (IR) en passant par la lumière visible (247 à 1300nm). Dans cette gamme, la profondeur de pénétration tissulaire augmente avec la longueur d’onde du rayonnement incident. Dans le cas de la peau, la lumière rouge (630-700nm) peut atteindre des cibles profondes tels que les glandes sébacées, les fibroblastes dans le derme et la lumière bleue (400-470nm) est plus utile pour le traitement de pathologies épidermiques plus superficielles comme les kératoses actiniques.
Mécanisme d’action, limites
Chaque tissu, voire chaque type cellulaire possède des caractéristiques d’absorption de la lumière qui lui sont propres, chacun absorbant à des longueurs d’onde spécifiques en fonction des chromophores et des photorécepteurs moléculaires qu’il contient. Dans les traitements cutanés, deux longueurs d’ondes sont limitantes pour les LEDs. A 600nm, l’hémoglobine contenue dans les vaisseaux sanguins, absorbera la majorité des photons incidents diminuant l’énergie restant disponible pour la cible initiale (fibroblaste par exemple). A 1000nm, les photons commencent à être absorbés par l’eau au détriment des chromophores contenus dans les fibroblastes du derme. Entre ces deux limites un grand nombre d’applications thérapeutiques des LEDs sont possibles par les effets de la photobiomodulation (2).
La photobiomodulation (PBM)
Initialement utilisée dans la cicatrisation des plaies et dans le traitement des douleurs inflammatoires, la PBM est une approche thérapeutique issue de la recherche montrant que l’irradiation de cellules humaines et animales avec certaines longueurs d’onde rouge et IR, modifie l’activité biologique cellulaire et produit plusieurs effets physiologiques (3). Plusieurs voies de recherche explorent encore le mécanisme biologique de la PBM qui serait principalement basé sur l’absorption de la lumière par des chromophores mitochondriaux, en particulier la Cytochrome C Oxydase (COX) qui intervient dans la chaine respiratoire mitochondriale, mais aussi par certains photo accepteurs membranaires de la cellule irradiée.
La photostimulation de la COX entraine la dissociation du NO (Oxyde Nitrique ou monoxyde d’Azote) de la COX, bloquant l’effet inhibiteur du NO sur la COX et libérant ainsi l’activité de la chaine enzymatique respiratoire mitochondriale avec production (adénosine triphosphate). Les LLLT favorisent les réactions d’oxydation et modifient le potentiel redox cellulaire en induisant la production d’espèces réactives dérivées de l’oxygène ou ROS (Reactive Oxygen Species) dans les mitochondries. Les ROS sont très fortement réactifs avec en particulier les protéines, les acides nucléiques et les lipides insaturés. Les ROS agiraient comme un signal redox modulable avec un impact sur les voies de signalisation partant de la mitochondrie vers le noyau cellulaire.
Les LLLT et les LED modifieraient l’équilibre redox intracellulaire induisant l’activation de certaines voies de stimulation des facteurs de transcription de l’ADN nucléaire pouvant aboutir à une prolifération cellulaire et une réparation tissulaire. La survie cellulaire est aussi favorisée par la production de protéines inhibitrices de l’apoptose (4.5.6).
Domaines d’applications de la photobiomodulation
Plusieurs études sur des modèles animaux et de recherche clinique ont montré un potentiel intéressant voire des effets thérapeutiques bénéfiques suites à l’utilisation de la photobiomodulation (LLLT, LED) dans différentes pathologies ou lésions aigües ou chroniques.
Ces effets décrits, concernent quasiment tous les tissus de l’organisme : néovascularisation par angiogenèse ; accélération de la cicatrisation des plaies ; action réparatrice et antalgique au niveau des tendons, cartilages et des os ; action anti-inflammatoire dans certaines pathologies auto-immunes ou dégénératives ; amélioration post AVC (accident ischémique cérébral) et des lésions nerveuses (6).
Cicatrices et plaies traumatiques
La cicatrisation résulte d’une interaction complexe entre de nombreux types cellulaires, leurs cytokines et médiateurs et la matrice extracellulaire. Trois phases sont individualisées : inflammatoire, proliférative et de remodelage (5).
Les LLLT et LED sont susceptibles d’agir lors de ces différentes phases en réduisant une inflammation trop importante et en favorisant la prolifération des fibroblastes. La stimulation d’une suture cutanée postopératoire avec un LLLT d’une longueur d’onde de 904nm a montré une amélioration de la qualité et de la vitesse de cicatrisation (5, 7). Chez l’animal, la cicatrisation est plus longue chez les rats diabétiques par rapport aux rats non diabétiques. L’utilisation d’un traitement par LLLT (633nm à 10Joules/cm2) accélère la cicatrisation des lésions chez les rats diabétiques (8).
Ulcères de jambes
L’intérêt des LED serait surtout manifeste dans certains types d’ulcères résistants ou dans des contextes particuliers comme le diabète. Il a été observé une amélioration du phénomène de granulation et une accélération significative de la guérison (4).
Douleurs musculo-squelettiques
L’emploi des LLLT a démontré un effet positif dans le traitement des douleurs musculo-squelettiques aigües et chroniques avec des longueurs d’onde de 760-850nm pouvant pénétrer jusqu’à 5 cm à travers la peau (9).
Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA)
Première cause de la perte de la vision chez la personne âgée dont on ne dispose d’aucun traitement réellement efficace. Une étude de 203 patients montre qu’une irradiation trans-conjonctivale de la macula avec une LLLT 780nm améliore nettement la DMLA précoce ou évoluée, avec ou sans cataracte (10).
Cellulite et remodelage corporel
Les adipocytes contiennent des mitochondries et sont donc susceptibles d’être ciblés par la photobiomodulation. Dans une étude portant sur 40 patients, la circonférence des bras des patients traités par LLLT 635nm a significativement diminuée par rapport au groupe témoin non traité (11).
Conclusion
Les LED et LLLT ont un champ d’application très large qui recouvre pratiquement tout le domaine de la médecine. Plusieurs de leurs indications sont validées, certaines sont à préciser et beaucoup sont à découvrir. La photobiomodulation est une approche thérapeutique non thermique, non invasive et sans effets secondaires notables, basée sur la photostimulation de chromophores biologiques tissulaires. Elle constitue un outil simple et assez performant dans la prise en charge des pathologies inflammatoires et hyperalgiques mais aussi dans des indications esthétiques comme la réjuvénation cutanée, le traitement de la cellulite, etc. Il faudra sans doute encore beaucoup d’études pour mieux évaluer les potentialités du traitement pour un individu donné.
Bibliographie
(1)Yohei Tanaka MD PhD, Photomedicine, advances in clinical practice, 2017 ouvrage publié par INTECH.
(2)Daniel Barolet MD, Light-Emitting Diodes (LEDs) in dermatology. Seminars in Cutaneous Medicine and Surgery 2008 ; 27:227-238.
(3)Heiskanen V, Hamblin MR. Photobiomodulation : lasers vs. Light emitting diodes ? Photochemical and Photobiological Sciences 2018 ; 17(8) : 1003-1017.
(4)Pinar Avci et al., Low-Level Laser (Light) Therapy (LLLT) in skin : stimulating, healing, restoring. Seminars in Cutaneous Medicine and Surgery 2013 ; 32 : 41-52.
(5)Christine Noé, Photobiomodulation en dermatologie, comprendre et utiliser les LED, 2014, Doin éditeurs.
(6)Ying-Ying Huang et al., Biphasic dose response in low level light therapy. International Dose-Response Society 2009 ; 7 : 358-383.
(7)HerascuBogdan N. et al., Low-Level Laser Therapy (LLT) efficacy in post-operative wounds. Photomedicine and Laser Surgery 2005; Volume 23 : issue 1.
(8)Al-Watban F. et al, Low-Level Laser Therapy enhances wound healing in diabetic rats : a comparison of different lasers. Photomedicine and Laser Surgery 2007 ; 25(2) : 72-77.
(9)Howard B Colter et al., The use of Low-Level Laser Therapy (LLLT) for musculoskeletal pain. MOJ Orthopedics & Rhumatology 2015; Volume 2 : issue 5.
(10)Ivandic B., Ivandic T., Low-Level Laser Therapy improves vision in patients with age-related macular degeneration. Photomedicine and Laser Surgery 2008; 26(3) : 241-245.
(11)Nestor M. et al., effect of 635nm Low-Level Laser Therapy on upper arm circumference reduction. Journal of Clinical and Aesthetic Dermatology 2012; 5(2) : 42-48.