Un des dangers des actes à visée esthétique sur le visage est d’obtenir un visage trop « stéréotypé » sans personnalité, voire allant parfois jusqu’au grotesque.
Des transformations du visage faciles
Avec plus de 30 ans d’utilisation et bien plus accessibles que la chirurgie esthétique, les injections de Botox° et d’acide hyaluronique gagnent aujourd’hui en popularité, notamment chez les plus jeunes (18-34 ans). En effet, cette tranche d’âge, grande consommatrice de réseaux sociaux, est plus exposée aux « standards » de beauté actuels, et utilisatrice de filtres (qui imposent un modèle de beauté normé, souvent impossible à atteindre, et qui uniformisent les visages).
Dans les cabinets médicaux, les demandes sont ainsi devenues souvent les mêmes. On assiste à une uniformisation des visages. Selon le Docteur M. Gorj « le phénomène est indéniable et parfois inquiétant. C’est particulièrement flagrant lorsque j’assure des formations internationales pour des marques de produits injectables qui réunissent des médecins du monde entier. Qu’on soit en Asie, en Russie, en Italie ou en Jordanie, la demande demeure la même : un nez fin, droit et retroussé, des « Russian Lips », des lèvres aux proportions surréalistes ».
Et voila qu’aujourd’hui, avoir les pommettes hautes ou la bouche charnue deviennent des « tendances », comme la longueur, la forme ou la couleur des cheveux ou des vêtements que l’on porte, et qui changera peut-être à la saison prochaine.
Que ce soit pour ressembler à une image filtrée (et donc à une version « améliorée » de soi-même), pour remodeler certaines parties du visage, ou atténuer des signes du vieillissement (rides et sillons), la norme actuelle devient celle de visages retouchés. En effet, la rapidité d’action de la toxine botulique ou de l’acide hyaluronique mais aussi celle de l’acte en soi (rapide et peu invasif), mènent à une banalisation de ces traitements.
De plus en plus de visages « Barbie »
Certaines femmes comme Barbie sont belles avec des pommettes plutôt saillantes, des lèvres pulpeuses, un petit nez droit et un front bombé. Le tout est harmonieux. En revanche, il ne suffit pas d’avoir ces attributs pour être belle ! Et la beauté est aussi une question d’harmonie, d’expressions faciales, de caractère dans les traits du visage, etc…
On peut bien entendu en dire de même pour les hommes ressemblant à Ken, avec quelques différences (mâchoire carrée, front plus plat, formes moins rondes, etc…). Et n’oublions pas les critères de beauté du corps.
Le problème est qu’à force d’accumuler les retouches, le visage n’est plus harmonieux, comme en témoigne Elisa Pecorelli, chirurgienne plasticienne : « Il y a trente ans on venait pour corriger un vrai défaut. Aujourd’hui on commence à faire du botox à 25-27 ans : on me demande déjà en préventif de faire des injections d’acide hyaluronique, de botox« .
Ceci n’a aucun sens car les actes de médecine esthétique sont correctifs, pas préventifs. Prévenir les effets du vieillissement, cela peut se faire mais demande un engagement personnel plus important (alimentation saine, hygiène de vie, cosmétique d’entretien, etc…). Cela fait partie de la médecine anti-âge qui elle, peut être préventive.
Aussi, il faut bien faire la différence entre corriger des défauts dus au vieillissement (rides, taches, affinement des lèvres…) et la recherche d’un idéal de visage où l’on va modifier ses formes. Dans cette 2° hypothèse, il est encore plus facile de tomber dans le travers des visages standards, pas toujours très réussis.
Un autre confrère, le Dr Adel Louafi, ajoute : « une proportion non négligeable de patients de 18 à 30 ans consultent soit avec des images filtrées d’eux-mêmes, soit avec des images d’influenceurs en particulier ou d’instagrameuses« . Les critères demandés aujourd’hui sont des lèvres pulpeuses, des pommettes saillantes, un menton plus dessiné, des sourcils épais, un nez droit et fin, des yeux de biche et… une peau zéro défaut.
Les magazines de mode et la télévision ont toujours promu et véhiculé des injonctions physiques mais les réseaux sociaux engendrent un phénomène beaucoup plus viral et massif, et aux résultats pas forcément très heureux.
Les vrais dangers (à qui la faute ?)
Le gros problème est l’excès de soins (trop tôt, trop intenses, trop répétés ou trop souvent pratiqués). Ils font perdre, à un moment donné, l’aspect naturel d’un visage.
L’incompétence du praticien
Dans tous les cas il faut agir avec mesure mais la correction est parfois trop importante. C’est parfois à cause du manque d’appréciation de la part du praticien. On peut être bardé de diplômes et avoir des idées faussées sur ce qui est beau. Pour parer à cela, il faut corriger par doses modérées, surtout lors des premiers soins.
C’est parfois une erreur technique de la part du praticien, d’autant plus que, depuis quelques années, beaucoup d’interventions sont réalisées illégalement par des non-médecins sans compétence.
Des patient(e)s qui veulent toujours plus
Il faut noter que bien souvent, les patient(e)s ne se rendent pas compte que les transformations progressives de leur visage finissent par dépasser la bonne mesure. C’est souvent l’entourage qui en est choqué mais qui n’osera généralement pas en parler à la personne concernée…
Parfois, il s’agit d’une vision fausse de son visage. La personne ne se voit pas telle qu’elle est réellement, et souhaite des modifications injustifiées. Un médecin compétent et bien formé sait quels sont les critères de beauté et les proportions à respecter ou a ne pas dépasser. Il doit savoir refuser la demande de soin si celle-ci est surréaliste ou infondée.
Un médecin esthétique qui sait dire non est généralement un médecin averti et honnête.
Les influenceurs et les médias
Il y a des influenceurs parce qu’il y a des influencés. Les personnes psychologiquement fragiles ou perdues sont très influençables, que ça soit par les médias ou sur les réseaux sociaux. Ceci est encore plus vrai quand il s’agit des « défauts » de son physique.
Il est fascinant de voir que des internautes veulent parfois ressembler à certains influenceurs ou influenceuses qui eux-mêmes sont déjà bien retouchés à outrance. Il faut rester vigilant et garder l’esprit critique avant de succomber à l’appel des sirènes de la beauté artificielle.
Au final, outre les critères faciaux devenant standards et retrouvés à l’identique chez de nombreuses personnes, le danger majeur nous parait être, à ce jour, les faciès boursoufflés, les visages cireux ou encore figés ou inexpressifs, qu’on croise hélas trop souvent.
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